L'argument israélien de la légitime défense

Dans le conflit israélo-palestinien, un argument juridique que le gouvernement israélien utilise sans relâche est celui de la légitime défense, mais il est difficile à justifier. 

D'abord, le droit des peuples à lutter pour leur autodétermination est entériné par la communauté internationale. Il est garanti entre autres par la Charte des Nations Unies (art. 1.2) et par l'article 1 commun du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels: «Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes». Le droit à la légitime défense appartient par définition à l'occupé contre l'occupant.

Ensuite, la légitime défense doit respecter les principes de proportionnalité et de nécessité. Or les actes des autorités israéliennes sont souvent difficiles à concilier avec ces deux impératifs (voir Gaza: des crimes de guerre ?). 

Enfin, le fait qu'il ne peut pas y avoir légitime défense sans agression armée soulève la question de la signification de la notion d'agression armée. La Cour internationale de justice l'a définie dans l'affaire du Nicaragua (§ 195): 

L'accord paraît aujourd'hui général sur la nature des actes pouvant être considérés comme constitutifs d'une agression armée. En particulier, on peut considérer comme admis que, par agression armée, il faut entendre non seulement l'action des forces armées régulières à travers une frontière internationale mais encore «l'envoi par un Etat ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre Etat d'une gravité telle qu'ils équivalent» (entre autres) à une véritable agression armée accomplie par des forces régulières, «ou [au] fait de s'engager d'une manière substantielle dans une telle action».

Pour prendre l'exemple des manifestations de la Grande Marche du retour, est-ce qu'on peut parler d'agression armée quand des manifestants jettent des pierres contre des militaires qui se trouvent à une distance de 100 à 500 mètres (soit, pour l'essentiel, hors de portée) ? Est-ce qu'il ne s'agit pas simplement de troubles sociaux ?

Selon des estimations des Nations Unies datant du 31/8/2018, il y a eu lors de ces manifestations 179 morts et 18'739 blessés du côté palestinien et 1 mort et 37 blessés du côté israélien. Ces chiffres sont difficiles à concilier avec la thèse d'une agression armée palestinienne.

Le caricaturiste Latuff a une manière très concrète de montrer la différence entre la légitime défense des uns et celle des autres:

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Carlos Latuff, https://latuffcartoons.wordpress.com, accès le 3/9/2018.


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