À propos des attentats de Paris du 13 novembre 2015

Les attentats commis le 13 novembre à Paris par sept criminels ont fait de nombreuses victimes : au moins 129 morts et 352 blessés. Ils ont été revendiqués par Daesh (organisation État islamique).

Ce qui est important, à la suite de ces actes, c'est d'éviter de leur donner une réponse purement militaire. Sinon, le risque est que, même si on parvient à détruire Daesh, des mouvements du même genre prennent aussitôt naissance sur ses cendres, les mêmes causes produisant les mêmes effets. 

Selon le général britannique Jonathan Shaw (voir Le groupe État islamique et la Palestine), l'emploi de la force est contreproductif ou n'aboutit qu'à des succès fugaces, et la seule méthode pour gagner contre Daesh est politique et idéologique.

L'histoire appuie cette thèse. En se cantonnant aux dernières années, on le voit en Irak, où le régime de Daesh est aujourd'hui établi en dépit — ou à cause — des guerres menées là-bas par les États-Unis et leurs alliés en 1990-1991 (deuxième guerre du Golfe) et 2003 (troisième guerre du Golfe), pourtant supposément pour y «établir la démocratie». 

On le voit en Afghanistan et dans le nord du Pakistan, où les talibans et leurs alliés reviennent aujourd'hui en force en dépit — ou, de nouveau, à cause — de la guerre menée là-bas par les États-Unis et leurs alliés de 2001 à aujourd'hui. 

On le voit en Libye, où, aujourd'hui, des mouvements extrémistes tiennent des parties importantes du pays. La guerre civile fait rage depuis la chute de Kadhafi, à laquelle la France, les États-Unis et l'OTAN ont participé. 

En Syrie, la situation est encore en développement, avec une guerre multipartite où s'opposent l'armée régulière, Daesh, Al-Nusra, les Kurdes, etc., qui a provoqué 250'000 à 350'000 morts jusqu'à présent. Là non plus, rien ne permet d'être optimiste pour l'avenir.

En y ajoutant la première guerre du Golfe (Irak-Iran, 1980-1988), ces conflits ont causé deux à trois millions de morts dans la région — environ 10 % des Irakiens ont été tués entre 1980 et aujourd'hui — et ils ont fait naître une situation humanitaire encore plus grave que celle qui prévalait sous les régimes qu'ils ont fait tomber (1). Aujourd'hui, en Irak, en Afghanistan, au Pakistan et en Libye, il se produit en permanence des attentats criminels ou des actes de guerre, avec des morts tous les jours. 

Marc Trevidic, ancien juge d'instruction au pôle antiterroriste de Paris, a un avis qui n'est pas éloigné de celui du général Shaw : «Nous sommes entrés dans une logique d'affrontement avec l'Organisation État islamique (OEI) qui ne s'attend pas à la fin des bombardements. La France va les frapper plus durement et l'OEI réagira encore plus fort par des frappes sur notre territoire» (2). 

Comment éviter de rester enfermé dans cette spirale ? Un moyen possible consiste à passer par les collaborations internationales et le respect du droit, qui interdit l'emploi de la force dans les relations internationales (Charte des Nations Unies, art. 2.4). Ces méthodes ne sont pas des solutions miracles ; au contraire, elles sont lentes, difficiles et parfois peu efficaces, mais, au moins, elles ne provoquent pas un empirement de la situation.

Les guerres menées par les États-Unis contre l'Irak, l'Afghanistan et le nord du Pakistan ont joué un rôle peut-être essentiel dans la genèse et le développement des mouvements radicaux irakiens et syriens. La barbarie de Daesh a poussé sur le terreau de la barbarie des bombes américaines. Comment réagirait-on en Europe si des armées arabes nous attaquaient, provoquant deux à trois millions de morts ?

(1) Pierre Jaquet, États-Unis: Une politique étrangère criminelle, Alphée, 2010, pp. 251-364.
(2) Richard Hiault, «Marc Trevidic: "D'autres attentats sont à prévoir"», Les Echos, 15 novembre 2015.

jaquet.org