En Israël, le corps des condamnés palestiniens morts lors d'un attentat ou de leur séjour en prison peut être déposé indéfiniment dans une chambre froide et jamais remis à leurs proches.
Les condamnés ont souvent une famille. Refuser à des enfants la possibilité d'enterrer leur père ou leur mère est inadmissible et il pourrait s'agir de traitement inhumain, ce qui constituerait une infraction grave à la Quatrième Convention de Genève (art. 147), qu'Israël a ratifiée en 1951.
Même si on estime que ce n'est pas le cas, il semble clair que cette pratique enfreint les principes de nécessité et de proportionnalité, qui sont les deux critères fondamentaux pour juger un acte dont la légalité est incertaine.
La quatrième convention demande à ce que les corps des internés décédés soient «enterrés honorablement» et que leurs tombes soient «respectées» (art. 130), mais, curieusement, cette disposition vise les internés en particulier et non les civils en général. Quoi qu'il en soit, cette pratique viole l'interdiction de déporter les civils du pays occupé dans le territoire de l'occupant (art. 49.1).
Il semble également clair qu'elle contrevient à plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment la liberté de manifester sa religion (art. 18.1), la protection de la famille (art. 23.1), la protection de l'enfant (art. 24.1) et l'interdiction de la discrimination (art. 26). Israël a adhéré à ce traité en 1991.
Pourquoi le respect dû aux morts est-il si peu présent dans le droit international ? Mon hypothèse est que cela s'explique par l'idée que c'est une norme qui va sans dire. On ne s'attend pas à des transgressions de la part d'États, on les imagine venant d'individus déséquilibrés.
Dans la plupart des pays du monde, le droit pénal interne ne permet pas de prolonger une peine après la mort. Ainsi, en France, on y voyait dès la fin du XVIIIe siècle une pratique barbare et Joseph Guillotin a fait adopter en 1790 un article de loi qui établissait le principe de la restitution des condamnés à la famille.
Aujourd'hui, le code pénal français comprend trois articles consacrés aux atteintes au respect dû aux morts. Si les actes des Israéliens étaient commis en France, ils constitueraient une atteinte à l'intégrité du cadavre (art. 225-17) avec la circonstance aggravante que les Palestiniens sont visés en tant qu'ethnie (art. 225-18).
Il est intéressant de remarquer que cette dernière disposition a été ajoutée au code pénal en réaction à la profanation du cimetière juif de Carpentras qui a eu lieu en mai 1990.