On cite parfois le fait que le procureur de la Cour pénale internationale, Madame Fatou Bensouda, a ouvert le 16 janvier 2015 un examen préliminaire de la situation en Palestine (communiqué de presse) comme un premier pas important, mais il n'en est rien. Ce processus consiste seulement à examiner si toutes les conditions sont réunies pour que la cour ait compétence pour enquêter sur la situation palestinienne: recevabilité, compétence matérielle, temporelle, territoriale et personnelle, etc.
Les examens préliminaires peuvent durer des mois ou des années, et ce sera seulement si et quand toutes les conditions sont jugées remplies qu'une procédure pourra être entamée (1).
Fatou Bensouda mène en ce moment un examen préliminaire (communiqué de presse) au sujet de la situation en Afghanistan de 2006 à 2012 et elle «entend prendre une décision quant à la compétence ratione materiae dans un avenir proche» (la compétence matérielle concerne la question de savoir si les crimes éventuels commis en Afghanistan relèvent ou non de la compétence de la cour).
Politiquement, l'affaire est potentiellement ultra-sensible car l'Afghanistan a accédé au statut de Rome en 2003, ce qui veut dire que des militaires américains pourraient être poursuivis en vertu de la compétence territoriale de la cour (qui concerne les crimes commis sur le territoire d'un État partie, quelle que soit la nationalité des accusés) malgré le fait que les États-Unis ne sont pas parties au statut de Rome (art. 12.2.a).
Un autre examen préliminaire est en cours sur la situation en Iraq, où des Britanniques sont accusées de crimes de guerre. Le Royaume-Uni ayant ratifié le statut de Rome en 2001, des poursuites pourraient avoir lieu en vertu de la compétence personnelle (qui concerne les ressortissants d'un État partie, quel que soit le pays où ils se trouvent).
On sait que des Américains ont également commis des crimes de guerre (2), mais ni l'Iraq ni les États-Unis ne sont membres de la cour. En l'absence de compétence territoriale ou personnelle, ces actes échappent donc à la justice internationale.
Le temps que prennent ces examens préliminaires montre, me semble-t-il, qu'on ne verra pas une enquête éventuelle en Palestine aboutir avant plusieurs années. L'accession de la Palestine au statut de Rome est une avancée pour la justice, mais à long terme.
(1) «Document de politique générale relatif aux examens préliminaires», Bureau du procureur, Cour pénale internationale, http://www.icc-cpi.int/en_menus/icc/structure%20of%20the%20court/office%20of%20the%20prosecutor/policies%20and%20strategies/Documents/OTP_Policy_Paper_on_Preliminary_Examinations_November_2013_FRA.PDF, La Haye, novembre 2013.
(2) Pierre Jaquet, États-Unis: Une politique étrangère criminelle, Alphée, 2010, pp. 251-302.