En 2016, un soldat israélien nommé Elor Azaria a tué un Palestinien blessé, étendu au sol. À en juger par la vidéo qui a été prise des événements, il s'agit d'un meurtre de sang-froid (voir Deux poids, deux mesures). Sa peine est de 14 mois de détention.
Le 21 mars 2018, une jeune fille palestinienne, Ahed Tamimi, a été reconnue coupable d'avoir bousculé deux soldats israéliens armés et giflé l'un d'eux, et elle a été condamnée à 8 mois d'emprisonnement par les juges de la Judea Military Court (voir Le cas d'Ahed Tamimi). Sa mère a également été condamnée à 8 mois de prison (1).
Si on met en parallèle ces 14 mois pour un meurtre et ces 8 mois pour s'en être pris, à l'âge de 16 ans et sans aucune arme, à un soldat lourdement armé qui n'a pas été blessé, on ne voit pas comment on pourrait arriver à une autre conclusion que celle-ci: on a affaire à une violation grave du principe fondamental de l'égalité devant la loi.
C'est ce qui se passe avec la Judea Military Court dans la quasi-totalité des cas. «Ils ont condamné des milliers de gens à un total de dizaines de milliers d'années de détention et n'ont pratiquement jamais déclaré qui que ce soit non coupable [...]. Ils ont aussi approuvé des centaines de peines d'emprisonnement sans entendre les accusés, même si cela n'existe pas dans un État de droit» (2).
Selon le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l'égalité devant la loi fait partie intégrante du droit à un procès équitable (art. 14.1).
Israël a ratifié le PIDCP en 1991 et ne saurait donc déroger aux obligations qui en sont issues. C'est le principe pacta sunt servanda de la Convention de Vienne sur le droit des traités: «Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi» (art. 26). Et: «Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité» (art. 27).
Ce sont des juges militaires qui ont condamné la jeune fille et sa mère. Or il est important de rappeler que, dans un État de droit, les juges représentent le pouvoir judiciaire et non le pouvoir exécutif. Cette séparation des pouvoirs est essentielle pour qu'un contrôle des actions de l'État par les tribunaux soit rendu possible. Comme un juge militaire ne dépend pas du pouvoir judiciaire, mais du pouvoir exécutif, c'est un militaire, pas un juge: il a l'obligation d'obéir aux ordres de ses supérieurs et de son gouvernement.
L'indépendance des juges et leur impartialité font partie intégrante du droit à un procès équitable (PIDCP, art. 14.1).
Un autre élément inacceptable est que le procès d'Ahed Tamimi a eu lieu à huis clos. Si les séances du tribunal ne sont pas publiques, on ne peut pas contrôler que les débats se déroulent correctement, dans le respect des droits des accusés.
La publicité des débats fait partie intégrante du droit à un procés équitable (PIDCP, art. 14.1), sauf dans des cas particuliers non pertinents en l'espèce.
Enfin, il faut souligner que la place d'une jeune fille qui n'est coupable que d'avoir bousculé et giflé un soldat n'est pas en prison (Convention relative aux droits de l'enfant, art. 37.b). Et, dans un pays qui pratique les mauvais traitements et la torture comme Israël (3), il est même crucial qu'elle n'y soit pas.
Actuellement, il y a selon Amnesty International environ 350 enfants palestiniens dans les prisons israéliennes. L'organisation relève que, avec l'affaire Ahed Tamimi, «les autorités israéliennes confirment une fois de plus qu'elles n'ont aucun respect pour les droits des enfants palestiniens et n'ont pas l'intention de renoncer à leurs politiques discriminatoires» (4). «Les images de cet incident montrent qu'elle n'a posé aucune menace réelle et que sa peine est disproportionnée d'une manière éhontée» (5).
Une pétition mondiale demandant la libération d'Ahed et de tous les mineurs palestiniens a été lancée et a obtenu jusqu'ici 1,75 million de signatures. Lien: https://secure.avaaz.org/campaign/en/free_ahed/.
(1) Gideon Levy, «You Bet It's Apartheid», Haaretz, 26/3/2018.
(2) Ibid.
(3) B'Tselem, «Torture and Abuse in Interrogation», https://www.btselem.org/topic/tortur), accès le 27/3/2018.
(4) «Israel/OPT: Palestinian child activist Ahed Tamimi sentenced to 8 months in prison», Amnesty International, 21/3/2018.
(5) «Israel should release 16-year-old Palestinian activist, Ahed Tamimi», Amnesty International, 15/1/2018.