En France, une trentaine de députés emmenés par Sylvain Maillard proposent «la reconnaissance officielle de l'antisionisme comme antisémitisme» (1). Cette sugggestion reprend une thèse du président Macron, qui a dit publiquement en 2017 que l'antisionisme est la «forme réinventée de l'antisémitisme» (2), reprenant lui-même une idée avancée en 2016 par Manuel Valls (voir Pour Valls, antisionisme = antisémitisme).
Rappelons de quoi il s'agit :
- L'antisémitisme se définit comme le racisme envers les personnes de religion ou d'origine juive. Il est dirigé contre ce que sont ces personnes. Pour que quelqu'un soit victime de l'antisémitisme, il suffit que le hasard l'ait fait venir au monde dans une famille juive. Il «naît coupable».
- L'antisionisme, lui, est l'opposition à l'État d'Israël défini comme un État juif créé en Palestine et en Syrie (Golan). C'est une opinion politique dirigée contre ce que font les dirigeants israéliens.
Assimiler l'antisionisme à l'antisémitisme, cela équivaut à dire que ceux qui s'opposent à la politique étrangère des États-Unis appellent à la haine contre les presbytériens (la secte religieuse à laquelle appartient le président Trump).
Trois choses sont à rappeler. Premièrement, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques est clair : «Nul ne peut être inquiété pour ses opinions» (art. 19.1) et chacun «a droit à la liberté d'expression» (art. 19.2), ce qui veut dire qu'on a le même droit à critiquer la politique de Binyamin Netanyahu que celle de Donald Trump ou de Recep Erdoğan pour autant, bien entendu, qu'on évite les propos racistes ou haineux (art. 20.2).
Deuxièmement, la notion d'un État «juif» (tout comme celle d'un État «musulman» ou d'un État «chrétien») est par définition discriminante, ce qui va à l'encontre de plusieurs dispositions essentielles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 2, 4, 18, 24 et 26). Du point de vue des libertés fondamentales, c'est donc le sionisme, et non l'antisionisme, qui pose problème.
Troisièmement, l'Assemblée générale des Nations Unies a souligné dans sa Résolution 73/19 du 5 décembre 2018 «qu'il faut absolument mettre fin sans tarder à l'occupation israélienne remontant à 1967». En ce qui concerne le principe cardinal de l'inadmissibilité de l'acquisition de territoire par la guerre, c'est donc de nouveau le sionisme, et non l'antisionisme, qui pose problème (voir L'occupation militaire dure depuis 50 ans).
Le 19 février 2019, dans une émission télévisée, l'essayiste Eric Zemmour a relevé un point que Manuel Valls, Emmanuel Macron et Sylvain Maillard feignent apparemment de ne pas comprendre : «On peut critiquer Israël. On peut être juif et ne pas être sioniste... Vous en avez un devant vous» (3).
(1) Arthur Berdah, «Des députés veulent reconnaître l'antisionisme comme une forme d'antisémitisme», Le Figaro, 18/2/2019.
(2) Marcelo Wesfreid, «Vél' d'Hiv' : Macron dans les pas de Chirac», Le Figaro, 17/7/2017.
(3) «"Le rassemblement contre l'antisémitisme à Paris est une mascarade" pour Eric Zemmour», LCI, 19/2/2019.