En Occident, lorsqu'on parle des négociations de paix entre Israël et la Palestine, on les décrit le plus souvent comme enlisées à cause de la peine qu'ont les deux parties à s'entendre.
Ce n'est pas l'avis de Binyamin Netanyahu. Il se trouvait en 2001 dans une maison de colons à Ofra et il a leur raconté en parlant de la signature de l'accord d'Hebron en 1997 que, «à ce moment, j'ai en fait mis fin aux accords d'Oslo». Cette reconnaissance de responsabilité en dit long quand on sait que les accords d'Oslo II sont toujours en vigueur aujourd'hui (1).
Il ne voulait pas non plus la fin de l'occupation militaire: «Pour ce qui me concerne, la vallée du Jourdain est un site militaire défini», ce qui signifie qu'Israël doit maintenir son autorité sur toute la région. Il ajoutait: «Je vais interpréter les accords de telle façon que je puisse stopper cette course vers la ligne de 67» (la frontière israélo-palestinienne demandée par le Conseil de sécurité depuis la résolution 242). Il disait aussi à propos du retrait israélien d'une partie de la ville d'Hebron: «Vous donniez 2% et comme ça vous arrêtiez le retrait. Au lieu de 100%.»
Quant à sa capacité d'imposer ses vues, il assurait pouvoir manipuler les États-Unis: «L'Amérique est quelque chose qui peut être manœuvré aisément. Manœuvré dans la bonne direction.»
D'après lui, les États-Unis avaient accepté d'envoyer une lettre aux Palestiniens et aux Israéliens au sujet des sites de Palestine que les Israéliens pourraient garder sous leur autorité. Dans cette lettre, le gouvernement américain déclarait selon lui que «c'est à Israël, et à Israël seul, de définir ce qu'ils sont, l'emplacement de ces sites militaires et leur taille».
Si la vallée du Jourdain dans son entier est l'un de ces sites, c'est la région où poussent la plupart des fruits et légumes de la Palestine qui serait soustraite du pays.
Tout cela a été enregistré dans une vidéo (2), apparemment à l'insu de Netanyahu. Elle a émergé en 2010, causant des remous en Israël. Elle a notamment donné lieu à un article dans Haaretz signé par Gideon Levy (3).
Aux États-Unis, la Maison Blanche n'a pas réagi.
Sauf exception, la grande presse est également restée silencieuse. Un court article est paru dans le Washington Post (4), mais le journaliste a noté que les faits s'étaient passés en 2001 et que Binyamin Netanyahu avait pu changer. On a néanmoins de la peine à croire à ce changement: il ne semble pas que le Netanyahu de 2015 agisse de manière différente du Netanyahu de 2001.
(1) Pierre Jaquet, L'État palestinien face à l'impuissance internationale, L'Harmattan, 2013, pp. 43-44.
(2) Transcription: Richard Siverstein, «Bibi the Bamboozler to Settlers: 'America Won't Get in Our Way... It's Easily Moved'», Mideast Peace, Politics and Society, 14 juillet 2010.
On trouve cette vidéo à différents endroits sur le web en recherchant la phrase Netanyahu boasting about manipulating America and derailing Oslo peace process.
(3) Gideon Levy, «Tricky Bibi», Haaretz, http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/tricky-bibi-1.302053, 15 juillet 2010.
(4) Glenn Kessler, «Netanyahu: 'America is a thing you can move very easily», The Washington Post, http://voices.washingtonpost.com/checkpoint-washington/2010/07/netanyahu_america_is_a_thing_y.html, 16 juillet 2010.