L'accord avec l'Iran

Le 10 septembre, le Sénat des États-Unis a voté contre l'accord nucléaire avec l'Iran par 58 voix contre 42, et, le lendemain, la Chambre des représentants des États-Unis a suivi la même ligne par 269 non contre 162 oui. Cela n'a toutefois pas suffi car il fallait une majorité des deux tiers pour bloquer la ratification (c'est un résumé; le processus réel est compliqué). L'accord a donc pu être ratifié par le président.

Le texte avait été signé le 14 juillet 2015 par l'Iran, d'un côté, et les pays dits E3/EU+3 de l'autre (Union européenne, France, Royaume-Uni, Allemagne, Russie,  États-Unis et Chine). Il prévoit de mettre fin à une partie des sanctions internationales contre l'Iran — l'embargo sur les livraisons d'armes restant en place — en échange du renoncement de l'Iran à tout programme nucléaire militaire.

Le premier ministre Binyamin Netanyahu avait tenté de bloquer l'accord avec l'aide du millliardaire Sheldon Adelson (1) en disant que l'Iran pourrait profiter de la levée des sanctions pour financer un programme militaire secret et que cela mettrait la survie d'Israël en danger, mais il n'y est pas parvenu. 

Aux États-Unis, un autre argument était que les accords allaient libérer l'Iran du fardeau des sanctions alors que c'est un ennemi déclaré des États-Unis et d'Israël (2), mais il ne semble pas que ceux qui ont avancé cet argument aient pris en considération le fait que les sanctions ont fait beaucoup moins de mal aux fondamentalistes religieux qui sont à la tête de l'Iran qu'à la population du pays, qui est pourtant déjà victime dans la vie de tous les jours du fondamentalisme de ses dirigeants.

Les militaires israéliens, eux, ne semblent pas craindre particulièrement l'Iran. Les menaces dont ils parlent dans le document intitulé Stratégie de l'IDF (en hébreu), publié le 13 août 2015, sont les organisations paramilitaires ou terroristes non étatiques comme Daesh, le Hezbollah ou le Hamas (3). L'attitude est offensive: «Nous partons du principe qu'on ne peut pas gagner contre l'ennemi par des combats défensifs, si bien qu'une action offensive est nécessaire pour parvenir à des résultats militaires clairs».

Ce type de document est difficile à interpréter sachant qu'il représente ce que l'état-major de l'armée israélienne souhaite rendre public et non ce qu'il pense, mais son insistance sur le fait que l'armée ne doit pas seulement être prête à des guerres classiques, État contre État, mais aussi à se battre contre des organisations non étatiques, correspond bien à la situation d'aujourd'hui au Proche-Orient.

Ce qui peut se révéler dangereux pour la Palestine, c'est que, à la suite de la fin des principales sanctions et de l'amélioration de la situation financière du pays, l'Iran accorde un plus large soutien à des mouvements radicaux comme le Hezbollah, le Jihad islamique et le Hamas (bien que les relations entre le Hamas et l'Iran ont souffert du soutien du Hamas aux opposants syriens).

Si ces mouvements augmentent la pression sur Israël en commettant de nouveaux attentats, une résurgence de la violence se produira. La disparité des forces étant immense, ces attentats n'entameront même pas les forces israéliennes. Par contre, ils risqueront de contrarier les tentatives internationales de soutenir la Palestine, d'aviver les sentiments anti-arabes en Israël, de radicaliser la population israélienne et d'éloigner encore un peu plus la perpective d'un retrait de l'armée israélienne du territoire palestinien. 

(1) Vincent Jauvert, «Le roi des casinos contre Obama», L'Obs, 13 août 2015.
(2) Vern Buchanan, «Why I cannot support Obama's Iran Deal», Fox News, 11 septembre 2015 (Buchanan est membre de la Chambre des représentants).
(3) Amir Oren, «Israeli Army Chief Eisenkot: Iran Isn't the Main Threat to Israel», Haaretz, 15 août 2015.

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