Quand la Cour pénale internationale a été créée par le statut de Rome, elle a reçu compétence à l'égard du génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre (art. 6, 7 et 8), mais pas de l'agression (art. 5.2), alors que la guerre d'agression constitue le type de crime international le plus grave.
Elle est considérée comme tel depuis le tribunal international de Nuremberg (1945-1946): «Déclencher une guerre d'agression, par conséquent, n'est pas seulement un crime international; c'est le crime international suprême, ne différant des autres crimes de guerre que du fait qu'il les contient tous» (1).
La raison de l'omission de l'agression était politique: certains États ne veulent pas que leur liberté d'action se trouve bridée. Les États-Unis font partie des opposants majeurs à l'inclusion de ce crime et ce n'est sans doute pas sans rapport avec le fait qu'ils ont initié environ 200 guerres et opérations militaires au cours des 150 dernières années (2).
Cette omission a été réparée en 2010 lorsque les amendements sur le crime d'agression ont été rédigés à la première conférence de révision du statut de Rome. Le texte entrera en vigueur lorsque 30 États parties l'auront ratifié, mais au plus tôt le 1er janvier 2017.
Ces amendements prévoient un nouvel article 8 bis du statut de Rome qui définit les actes qui sont des actes d'agression. Parmi eux, il y a «l'invasion ou l'attaque par les forces armées d'un État du territoire d'un autre État» (art. 8bis.2.a) et «l'attaque par les forces armées d'un État des forces [d'un autre État]» (art. 8bis.2.d), mais aussi «l'occupation militaire, même temporaire» (art. 8bis.2.a) et le «blocus des ports ou des côtes» (art. 8bis.2.c).
Avec le blocus maritime de Gaza et l'occupation militaire de la Palestine, les dirigeants, les militaires et les hauts fonctionnaires israéliens auraient toutes les raisons d'être inquiets si le texte ne contenait pas une disposition qui lui ôte une grande partie de sa force : «En ce qui concerne un État qui n'est pas Partie au présent Statut, la Cour n'exerce pas sa compétence à l'égard du crime d'agression quand celui-ci est commis par des ressortissants de cet État ou sur son territoire» (art. 15bis.5).
Tant qu'Israël s'abstiendra d'adhérer aux amendements sur le crime d'agression, ses ressortissants resteront donc hors de portée de la Cour pénale internationale pour ce qui concerne ce crime.
Tout le problème est là: jusqu'ici, les amendements ont été acceptés ou ratifiés par des pays pacifiques comme l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique ou l'Espagne. Mais c'est par les pays qui utilisent la guerre comme moyen d'action qu'il faudrait que ce texte soit accepté.
(1) Nuremberg Trial Proceedings Volume 22, 217e jour, 30 septembre 1946, p. 426, http://avalon.law.yale.edu/imt/09-30-46.asp, accès le 19 février 2015.
(2) Pierre Jaquet, États-Unis : Une politique étrangère criminelle, Alphée, 2010.