Les charges contre le colonel Shomer sont abandonnées

Le 3 juillet 2015, le pare-brise de la voiture du colonel Yisrael Shomer a été brisé par une pierre apparemment lancée par un jeune Palestinien de 17 ans, Mohammed Hani Al-Ksabah. Le colonel s'est alors lancé à sa poursuite  et lui a tiré à trois reprises dans la poitrine. Il est ensuite retourné à son véhicule et est parti. Le jeune homme est mort peu après de ses blessures (1). 

Ce comportement pourrait constituer un crime de guerre. D'une part, on ne voit pas comment ces tirs pourraient être considérés comme nécessaires et proportionnels. Le colonel Shomer n'a pas atteint les jambes, ce qui aurait indiqué la volonté d'arrêter le jeune homme. Les trois balles ont touché la poitrine. Les tirs étaient à la fois précis et concentrés sur des organes vitaux, ce qui semble indiquer que Shomer a tiré avec l'intention de tuer.

D'autre part, le départ du colonel sans aviser les secours renvoie à une des règles les plus anciennes du droit humanitaire. Dès la convention de Genève de 1864 — il y a plus de 150 ans — on a reconnu la nécessité de protéger les militaires blessés (art. 6), et cette obligation a été rappelée dans la convention de Genève de 1906 (art. 1.1) puis dans la convention de Genève de 1929 (art. 1.1). 

L'article 3 commun aux quatre conventions de Genève a étendu la protection de ces textes aux blessés en général, militaires ou non. Il porte sur les conflits non internationaux, mais il est vu comme le minimum humanitaire à respecter, un mini-traité à l'intérieur du traité. Il doit donc être observé à plus forte raison dans les conflits internationaux, qui entraînent l'application intégrale des conventions de Genève, avec l'objectif de «préserver la pertinence et l'efficacité des normes des Conventions de Genève», comme l'ont dit dans un autre contexte, celui de l'affaire Delalić et al., les juges du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (§ 266).

De toute manière, l'obligation de soigner les blessés est une norme universelle, et pas seulement en droit international. Le droit interne de presque tous les pays la prévoit également, y compris envers les criminels.

Il y a quelques jours, le général de brigade Sharon Afek a décidé que le colonel Shomer avait seulement fait une «erreur opérationnelle», ce qui ne constitue pas une infraction pénale. L'affaire est classée sans suite. 

Le journaliste israélien Gideon Levy en tire la conclusion: «Soldats, prenez note: tuer des Palestiniens est sans problème. Allez-y» (2).

(1) Gili Cohen et Jack Khoury, «Senior Israeli Officer Shoots Dead Palestinian Stone-thrower in West Bank», Haaretz, 3 juillet 2015.
(2) Gideon Levy, «Israeli Army Giving Its Soldiers a Licence to Kill», Haaretz, 14 avril 2016.

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