L'hiver tue en Palestine

Ces derniers jours, il a fait froid dans la bande de Gaza. Le matin du 6 janvier, la température était de 6 degrés. Dans l'état de détérioration des services publics due au blocus israélien et égyptien, c'est catastrophique. En Europe, on a déjà de la peine à aider les sans-abri et les personnes qui vivent dans des locaux non chauffés, et pourtant ils sont peu nombreux. Comment ferait-on s'ils représentaient 70 ou 80 % de la population ? 

À Gaza, c'est justement ce qui se passe. La plupart des gens n'ont pas l'argent nécessaire pour se chauffer correctement et beaucoup vivent dans des maisons en ruines. Le 7 janvier, le journal Haaretz s'est penché sur la situation (1). Salah Haj Yahya est un médecin qui travaille pour Physicians for Human Rights. Il est interrogé par la journaliste Ayelett Shani.

Selon lui, quand on se déplace dans Gaza, «vous voyez des ruines, des milliers de maisons détruites, des usines en ruine, les eaux d'égout qui coulent le long des rues». Il y a bien de l'eau minérale, mais elle est trop chère pour la plupart des gens si bien qu'ils boivent l'eau souillée, et ils tombent malades. «L'eau n'est pas potable, elle est inutilisable pour n'importe quel usage».

L'électricité fonctionne quelques heures par jour, ce qui signifie qu'il faut utiliser en permanence des génératrices diesel dans les hôpitaux, mais cela coûte cher et les budgets sont loin d'être suffisants. Les hôpitaux manquent de tout, ce qui cause une surmortalité persistante. «Il n'y a simplement pas d'argent. Ni pour de la nourriture ou des médicaments, ni pour des vêtements chauds pour les enfants». 

Du point de vue du droit international, la bande de Gaza est occupée par l'armée israélienne puisqu'elle est placée de fait sous l'autorité des Israéliens (blocus, maîtrise de son espace aérien et maritime, etc.) (Règlement de la Haye, art. 42). 

En maintenant Gaza dans une situation sanitaire qui provoque des morts tous les jours, il semble clair qu'on a affaire à une peine collective (art. 50), ce qui constitue un crime de guerre. Cet acte me paraît même accompagné de circonstances aggravantes dans la mesure où rendre impossible la réparation du système de distribution d'eau équivaut à utiliser les eaux d'égout comme une arme pour causer la mort des plus faibles, notamment des nouveaux-nés.

Cet étranglement passe par l'embargo sur les matériaux qui seraient nécessaires pour effectuer les réparations. Selon les Nations Unies, c'est plus d'un demi-million de tonnes de ciment qui manque, bloqué à la frontière (2).

Il y a également plusieurs dispositions de la Quatrième Convention de Genève qui sont concernées. Ainsi, la puissance occupante «acceptera les actions de secours faites en faveur de [la population occupée] et les facilitera dans toute la mesure de ses moyens» (art. 59). Or Israël fait le contraire: «Les restrictions israéliennes sur l'entrée du personnel national d'organisations d'aide vers et de la bande de Gaza se sont intensifiées en 2016» (3).

La puissance occupante a aussi «le devoir d'assurer et de maintenir, avec le concours des autorités nationales et locales, les établissements et les services médicaux et hospitaliers, ainsi que la santé et l'hygiène publiques dans le territoire occupé, notamment en adoptant et en appliquant les mesures prophylactiques et préventives nécessaires pour combattre la propagation des maladies contagieuses et des épidémies» (art. 56). 

Elle devra même «importer les vivres, les fournitures médicales et tout autre article nécessaire lorsque les ressources du territoire occupé seront insuffisantes» (art. 55).

(1) «Ayelett Shani, «Israel witness in Gaza: No water, no electricity and children dying unnecessarily», Haaretz, 7/1/2017.
(2) OCHA, «Intensified restrictions on the entry of building materials delay the completion of housing projects in Gaza», The Monthly Humanitarian Bulletin, novembre 2016.
(3) OCHA, «Serious deterioration in access of humanitarian staff to and from Gaza», 
The Monthly Humanitarian Bulletin, novembre 2016.

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