L'interdiction de la discrimination

À la suite de la deuxième guerre mondiale, l'interdiction de la discrimination a pris une place majeure aux Nations Unies. En 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme proclamait que toute personne a «droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration» (art. 7). C'est seulement une déclaration, ce qui veut dire a priori qu'elle n'est pas contraignante, mais, en réalité, elle a partiellement acquis le statut de droit international coutumier.

Les deux principaux traités internationaux sur les droits de l'homme ont été adoptés en 1966. Ce sont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Selon le premier de ces textes, les Etats parties «s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation» (art. 2) et «la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre la discrimination» (art. 26).

Dans les pays du Conseil de l'Europe, c'est toutefois un autre texte qui est central, la Convention européenne des droits de l'homme de 1950. «La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation» (art. 14) (1). Son importance s'explique surtout par le fait qu'elle a institué une Cour européenne des droits de l'homme (art. 19 à 51) qui joue un rôle fondamental dans la protection des droits de l'homme dans la région. 

Ces textes sont essentiels, mais sont-ils toujours appliqués ? Dans le cas de la Palestine, ce n'est pas sûr.

Dans un article récent, l'UJFP (l'Union juive française pour la paix) a relaté que la réalisatrice palestinienne Mai Masri avait été invitée par France-Inter pour parler dans l'émission L'Heure bleue de son dernier film, 3000 Nuits, qui décrit la vie de prisonnières politiques palestiniennes dans une prison israélienne, mais la productrice a décidé d'inviter également une réalisatrice israélienne, Yaelle Kayam, puis, finalement, d'inviter seulement cette dernière (2).

Cet incident ne serait que cela, un incident, s'il n'était pas la manifestation d'une tendance constante. Dans son article, l'UJFP s'élève avec vigueur contre ce processus «d'éradication et d'invisibilisation du peuple palestinien».

Et, effectivement, j'ai suivi un grand nombre d'émissions de radio et de télévision sur le conflit israélo-palestinien, et je ne me souviens pas d'un seul cas où l'on aurait vu, par exemple, trois intervenants pro-palestiniens face à deux pro-israéliens. C'est invariablement le contraire. 

La situation est la même dans le téléjournal. J'y ai souvent vu les porte-parole du gouvernement israélien interrogés par les journalistes, mais rarement les porte-parole palestiniens.

On peut se demander si on n'a pas affaire à une violation du droit. Les stations de radio et les chaînes de télévision publiques sont des autorités publiques et, en tant que telles, elles ont l'obligation de respecter l'interdiction de la discrimination. Si elles accordent plus de temps de parole aux intervenants pro-israéliens qu'aux pro-palestiniens et que ce déséquilibre est systématique, on voit mal comment cela pourrait être compatible avec l'obligation de l'État d'assurer la non-discrimination.

(1) La limitation de cette protection aux droits et libertés inventoriés dans la Convention a été supprimée dans le Protocole 12, mais seule une partie des membres du Conseil de l'Europe a ratifié ce texte.
(2) Bureau national de l'UJFP, «La Palestine gommée du paysage, même audivisuel ?», Union juive française pour la paix (UJFP), www.ujfp.org, 5/1/2017.

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