En février 2015, le premier ministre israélien Binyamin Netanyahu a suscité passablement de réactions internationales quand il a exclu de retirer les troupes israéliennes et de rendre aux Palestiniens les terrains occupés, puis quand il a déclaré qu'il ne voulait pas d'un État palestinien et expliqué que l'un des buts de la colonie de Har Homa était de briser la continuité du territoire palestinien (1).
Selon le New York Times, cela a «donné substance aux soupçons de beaucoup de leaders dans le monde qu'il n'avait jamais été sérieux au sujet des négociations de paix» (2), et c'est bien le cas. En 1993 déjà, Netanyahu avait publié un livre intitulé A Place among the Nations dans lequel il militait pour pour le Grand Israël, écrivant: «arracher d'Israël la Judée et la Samarie signifie arracher Israël» (3).
Les événements récents peuvent laisser penser que c'est lui, Netanyahu, qui est un obstacle pour la paix, mais il n'en est rien: tous les dirigeants israéliens ont mené à peu près la même politique. En 1947, le futur premier ministre Menachem Begin le disait déjà: «Eretz Israel sera rendu au peuple d'Israël. En totalité» (voir Le plan de partition de la Palestine). Un autre premier ministre, Yitzhak Shamir, disait en quittant le pouvoir qu'il aurait «continué les négociations pendant dix ans et pendant ce temps nous aurions atteint un demi-million de gens en Judée et en Samarie» (4).
Derrière un discours différent, les positions des leaders de gauche israéliens sont fondamentalement les mêmes. C'est d'ailleurs un gouvernement de gauche qui a initié la colonisation israélienne en Palestine. Comparant le parti travailliste et le Likoud, l'historien israélien Avi Shlaim écrivait en 2001 qu'ils étaient «tous deux inconditionnellement opposés à l'établissement d'un État indépendant palestinien» (5).
Cette politique contrevient à la Résolution 242 de 1967 du Conseil de sécurité, qui affirme que la Charte des Nations Unies «exige l'instauration d'une paix juste et durable au Moyen-Orient», que cela devrait comprendre le «retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit» (la guerre des Six-Jours, 5-10 juin 1967) et qu'il faut instaurer «respect et reconnaissance de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de chaque État de la région».
Le problème est que la formulation de la résolution 242 manque de mordant en affirmant que l'établissement de la paix devrait comprendre le retrait des troupes israéliennes. Il y a un gouffre entre doit et devrait, le gouffre qui sépare une injonction d'une simple recommandation. Rien n'empêche les dirigeants israéliens de déclarer qu'ils ne veulent pas annexer la Palestine mais qu'ils ne peuvent pas s'en retirer pour des raisons de sécurité. C'est ce que fait Netanyahu quand il dit qu'un retrait israélien ouvrirait la porte à un «Hamas-stan bis» en Cisjordanie (6).
Dans sa Résolution 476 du 30 juin 1980, le Conseil de sécurité «déplore vivement le refus continu d'Israël, la puissance occupante, de se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale» et «réaffirme la nécessité impérieuse de mettre fin à l'occupation prolongée des territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem». Ces mots sont clairs mais largement stériles: le Conseil n'a prévu aucune mesure pour pousser Israël à libérer la Palestine et il ne lui a imposé aucun délai.
(1) William Booth, «Netanyahu says no Palestinian state if he wins», The Washington Post, 16 mars 2015.
(2) Jodi Rudoren, «Netanyahu Says No to Statehood for Palestinians», The New York Times, 16 mars 2015.
(3) B. Netanyahu, A Place among the Nations: Israel and the World, Bantam, Londres, 1993, p. 287 (la Judée et la Samarie sont la Cisjordanie).
(4) Avi Shlaim, The Iron Wall, W. W. Norton, New York, 2014, p. 517.
(5) Ibid., p. 520.
(6) Barak Ravid, «Netanyahu: I I'm elected, there will be no Palestinian state», Haaretz, 16 mars 2015.