Obstacles aux mises en accusation devant la Cour pénale internationale

L'adhésion prévue de la Palestine le 1er avril 2015 au statut de Rome, le traité qui régit la Cour pénale internationale, est la suite de la décision de l'Assemblée générale «d'accorder à la Palestine le statut d'État non membre observateur auprès de l'Organisation des Nations Unies» (résolution 67/19 du 29 novembre 2012). Comme l'accession au statut de Rome est ouverte aux États, cette qualité d'État observateur était un prérequis de la Haye (1).

Personne n'est à l'abri : «Le présent Statut s'applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent d'un État, n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine» (art. 27.1).

L'adhésion de la Palestine au statut de Rome n'est toutefois qu'un premier pas. Il y a malheureusement encore plusieurs obstacles à franchir avant de voir jugées et punies les personnes coupables de crimes internationaux en Palestine.

1. Seuls les crimes commis à partir du 1er juillet 2002 sont de la compétence de la Cour pénale internationale (art. 11.1). Un acte comme le massacre de Deir Yassin (1948), qui a fait 80 à 250 morts, restera donc sans doute définitivement impuni.

2. La compétence de la cour prend normalement effet à partir de la date d'adhésion de l'État. Il est néanmoins possible de faire une déclaration pour accepter la compétence rétroactive de la cour (art. 12.3), ce que la Palestine a fait en demandant à la cour d'examiner la situation à partir du 13 juin 2014. Le texte de l'article 12 n'est pas clair et il n'admet pas explicitement la rétroactivité, mais il y a une jurisprudence en ce sens (2).

3. Une affaire n'est jugée recevable que si elle ne fait pas l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part de l'État concerné (art. 17.1). C'est le principe de complémentarité. Par exemple, si un militaire israélien ou un militant du Hamas est coupable de crime de guerre, il peut être jugé par un tribunal de son pays et condamné à une peine symbolique pour le mettre hors de portée de la Cour pénale internationale. 

Toutefois, pour éviter ce genre de parodie de justice, la Cour pénale internationale peut intervenir quand même si elle estime qu'il y a «manque de volonté» ou «incapacité» de l'État concerné à poursuivre les auteurs présumés du crime (art. 17.1.b), mais cela n'est pas facile à démontrer.

4. Le procureur n'ouvre une enquête que s'il a des informations qui «fournissent une base raisonnable» pour le faire (art. 53.1.a).

5. Une affaire n'est jugée recevable que si elle est «suffisamment grave» (art. 17.1.d).

Deux autres obstacles sont beaucoup plus politiques que légaux :

6. Le Conseil de sécurité des Nations Unies peut empêcher la cour de mener une enquête sur une situation donnée pendant un an renouvelable (art. 16). Cela implique toutefois un vote positif de neuf membres sur quinze, dont les cinq membres permanents (Charte, art. 27), ce qui veut dire qu'il y a peu de risque que cela se produise.

7. Si le procureur pense qu'une enquête «ne servirait pas les intérêts de la justice», il peut renoncer à l'ouvrir (art. 53.1.c). Par exemple, il pourrait soutenir que l'intervention de la cour risquerait de compromettre le processus de paix (mais ce serait un mauvais prétexte sachant que ce processus est dans un état d'embourbement permanent depuis des dizaines d'années).

(1) Fatou Bensouda, «Fatou Bensouda: the truth about the ICC and Gaza», The Guardian, 29 août 2014.
(2) Lettre du procureur L. M. Ocampo à Philippe Kirsch, président de la Chambre préliminaire II, «Decision assigning the situation in Uganda to Pre-Trial Chamber II», 5 juillet 2004, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc271808.PDF.

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