Qui a déclenché la guerre des Six Jours ?

La commémoration des cinquante ans de la guerre des Six Jours (5-10 juin 1967) a donné lieu à de nombreux commentaires sur le conflit et en particulier sur la question de savoir qui l'a déclenchée. C'est évidemment fondamental puisque la légitime défense est le seul usage de la force admis par la Charte des Nations Unies, et cela seulement dans le cas où le pays «est l'objet d'une agression armée» (art. 51). Les mots sont importants: est l'objet ne signifie pas risque d'être l'objet ; l'attaque doit être présente, actuelle ; elle ne peut pas être juste prévisible. 

Ce que craignaient les dirigeants israéliens, si leur pays était désigné comme l'assaillant, c'est qu'un embargo sur les exportations d'armes vers Israël soit décidé par les Nations Unies et que les États-Unis se conforment à cette décision. 

La version américaine du déclenchement de la guerre des Six Jours est résumée par le major Jacobs : «Le 22 mai 1967, Nasser a fermé le détroit de Tiran à la navigation israélienne, mettant ainsi en branle la troisième guerre arabo-israélienne. Il appela les États arabes à le rejoindre pour la destruction d'Israël. En quelques jours, les Israéliens se sont retrouvés encerclés par 250'000 militaires, plus de 2'000 tanks et plus de 700 chasseurs tactiques de première ligne des pays arabes» (1).

Mais cette version est fausse. On le sait notamment par les mémoires de Moshe Dayan (2), qui était en 1967 le ministre israélien de la Défense. Ce sont bien les Israéliens qui ont attaqué, avec l'idée qu'une attaque surprise permettrait un succès si rapide que la victoire serait atteinte avant que la communauté internationale n'ait le temps de faire pression pour un cessez-le-feu (3). Et c'est bien ce qui s'est passé, les Six Jours étant peut-être la guerre éclair la plus rapide de l'histoire. La majorité des 700 avions de chasse dont parle Jacobs ont été détruits dans les deux premiers jours du conflit.

Pour désorienter la communauté internationale, Dayan a utilisé une stratégie de communication très simple : au début du conflit, les autorités israéliennes ont gardé le silence, laissant aux Égyptiens le monopole des annonces d'opérations victorieuses. Cela a donné l'impression que les Israéliens subissaient les événements et que les Égyptiens, les Syriens et les Jordaniens maîtrisaient la situation, ce qui a nourri l'idée que l'initiative était du côté arabe et qu'Israël jouait sa survie. Le stratagème a fonctionné et il a mené les dirigeants soviétiques à croire dans un premier temps que son allié, la République arabe unie (l'Égypte et la Syrie), tenait le choc (4).

Il y a une chose assez singulière à noter : le 7 juin, la Jordanie — qui était entrée à reculons dans la guerre — s'est purement et simplement retirée de la Cisjordanie, laissant le pays sans défense. C'est parce que les services de renseignement israéliens ont découvert que les Jordaniens étaient partis que les dirigeants israéliens ont décidé d'occuper les lieux, ce que l'armée a pu faire sans combattre. À l'origine, l'invasion et l'occupation de la Cisjordanie n'étaient pas prévues.

(1) David M. Jacobs, «Great warrior: Moshe Dayan», Air Command and Staff College, Air University, Maxwell Air Base, 1984, p. 14.
(2) Moshe Dayan, Story of My Life, Morrow, 1976.
(3) Ibid., page 339.
(4) Barton Whaley, Stratagem: Deception and Surprise in War, Artech House, 2007, pp. 503-520.

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