Gina Haspel, future directrice de la CIA 

Le président Trump a choisi Gina Haspel, directrice adjointe de la CIA, pour diriger l'agence. 

Or elle a notamment été aux commandes d'une prison secrète en Thailande où la torture était pratiquée de manière organisée. Une commission du Sénat des États-Unis, le Senate Select Committee on Intelligence, s'est penché sur la question, aboutissant à un rapport de plus de 700 pages, dont une conclusion est accablante: «Assisté par deux entreprises indépendantes, le personnel de la CIA a donc décidé de lancer un programme de détention secrète indéfinie et de recourir à des techniques brutales d'interrogation en violation de la législation des États-Unis, de nos obligations conventionnelles et de nos valeurs» (1). 

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Les mots en violation de la législation des États-Unis paraissent clairs, mais Haspel n'a jamais fait l'objet d'une poursuite pénale aux États-Unis. Au contraire, elle a été décorée pour ses activités. Or la sénatrice de l'Illinois Tammy Duckworth est catégorique: «Non seulement elle a directement supervisé la torture de détenus, mais elle a aussi participé au camouflage de ces actes en aidant à détruire des preuves vidéos» (2).

Il faut souligner que l'affaire ne constitue pas un faux pas de Donald Trump: si Haspel n'a pas été inculpée, c'est parce que le président Obama a promis publiquement en 2009 que les tortionnaires de la CIA ne seraient pas inquiétés. 

Pourtant, l'interdiction de la torture est absolue. Elle appartient au droit coutumier (auquel tous les pays doivent se conformer, sauf objection répétée), mais aussi au jus cogens, cet ensemble de règles internationales impératives qu'il est interdit d'enfreindre quelles que soient les circonstances.

Il est intéressant de relever que, à la fin de la deuxième guerre mondiale, les nazis qui avaient torturé des gens ont été recherchés pour crimes de guerre, mais que, quand les employés de la CIA ont fait de même, Obama leur a garanti l'impunité (voir «Nous» et «eux»)Quant à Donald Trump, il est allé encore plus loin en promettant qu'il «rétablirait bien pire que la simulation de noyade» (3).

La prohibition de la torture est pourtant universelle. En dehors du droit coutumier, elle se trouve dans la Déclaration universelle des droits de l'homme (art. 5), chacune des quatre Conventions de Genève (article 3 commun), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 7), la Convention contre la torture, etc.

La Convention contre la torture est claire: «Tout État partie veille à ce que tous les actes de torture constituent des infractions au regard de son droit pénal. Il en est de même de la tentative de pratiquer la torture ou de tout acte commis par n'importe quelle personne qui constitue une complicité ou une participation à l'acte de torture» (art. 4.1). Les États-Unis ont ratifié ce texte en 1994, et leur droit interne proscrit également la torture (U.S. Code, titre 18, § 242 entre autres), y compris au niveau constitutionnel (Bill of Rights, 6ème et 8ème amendements). 

Vu l'interventionnisme militaire des États-Unis, ces violations ouvertes des libertés fondamentales concernent l'ensemble de la communauté internationale, mais c'est particulièrement vrai du Moyen-Orient, où la Palestine est opposée au binôme Israël–États-Unis (voir Le United States–Israel Enhanced Security Cooperation Act). Sachant que l'Israel Security Agency (le Shin Bet) a lui-même couramment recours aux mauvais traitements, il est préoccupant pour les Palestiniens qu'il y ait aux commandes à Washington d'autres partisans de la torture, des gens qui sont peut-être prêts à appuyer les pratiques israéliennes (4).

(1) Voir Senate Select Committee on Intelligence, Committee Study of the Central Intelligence Agency's Detention and Interrogation Program, Washington, 9 décembre 2014,   https://www.intelligence.senate.gov/sites/default/files/documents/CRPT-113srpt288.pdf. Dans ce pdf, l'extrait se trouve page 6 sur 712.
(2) Bart Jansen, «Gina Haspel, nominated by Trump as first woman to lead CIA, has controversial past», USA Today, 13/3/2018.
(3) Tom McCarthy, «Donald Trump: I'd bring back 'a hell of a lot worse than waterboarding'», The Guardian, 7/2/2016.
(4) Chaim Levinson, «Torture, Israeli-style - as Described by the Interrogators Themselves», Haaretz, 24/1/2017; «Torture and Abuse in Interrogation», B'Tselem, 11/11/2017.

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