Pourquoi le Hamas a le soutien des Gazaouis

La bande de Gaza présente les caractéristiques essentielles d'un pays indépendant : elle a une population, un territoire et un gouvernement, fait de gens du Hamas, qui exerce un pouvoir effectif dans les limites de l'occupation militaire israélienne et du blocus israélo-égyptien. Il en va ainsi depuis que le Hamas a pris le pouvoir, en juin 2007, à la suite de sa victoire aux élections législatives du 2 janvier 2006 avec 56 % des voix, vote qui s'explique largement par les nombreuses activités sociales et caritatives que le mouvement a développées depuis la fin des années 1980 (aide économique, santé, éducation, sport, etc.).

Les États-Unis et l'Europe n'ont pas compris ou pas voulu comprendre les ressorts sociaux de ce choix populaire et ils l'ont présenté comme une victoire idéologique de l'islamisme. Cela a mené le président George Bush fils à tenter un coup d'État, mais l'opération a été un échec (1). 

Les Gazaouis, eux, ont vu cette intervention comme une attaque occidentale (les guerres d'invasion que nous appelons croisades occupent toujours une grande place dans la culture moyen-orientale). Pour la population de Gaza, se ranger derrière le Hamas était dès lors presque une évidence.

L'appui des Gazaouis au mouvement s'explique aussi par d'autres éléments. D'une part, les sentiments religieux occupent une place importante au Moyen-Orient. Or la religion constitue une dimension très importante du Hamas, ce qui veut dire que le soutien au mouvement n'est pas loin de faire figure de devoir face à un Fatah laïc et considéré comme corrompu. 

Cette mauvaise image du Fatah tenait aussi aux meurtres et aux actes de violence commis en 2006-2007 à Gaza par Muhammad Dahlan, qui était à la fois un dirigeant du Fatah et un allié des Américains. Bush l'a apparemment rencontré plusieurs fois et il l'appelait our guy, «notre homme» (2).

D'autre part, la politique d'Israël renforce — volontairement ou non — le Hamas (voir À propos de la charte du Hamas). En mars 2004, le premier ministre israélien Ariel Sharon a ordonné l'assassinat de Ahmed Yassin, un leader religieux aveugle et tétraplégique, avant de répéter un mois après la même opération avec son successeur à la tête du Hamas, Abdel Aziz al-Rantisi, conduisant les Gazaouis à resserrer les rangs derrière le mouvement. 

Les mêmes effets ont été produits par les différentes opérations armées israéliennes contre Gaza (selon la terminologie israélienne : Arc-en-ciel puis Jours de pénitence en 2004, Pluies d'été en 2006, Plomb durci en 2008, Pilier de défense en 2012, Bordure protectrice en 2014), dont le bilan est de 8'300 morts chez les Palestiniens et 104 chez les Israéliens. En survivant à toutes les attaques, le Hamas a été vu comme le véritable vainqueur de la confrontation.

(1) David Rose, «The Gaza Bombshell», Vanity Fair, 31 mars 2008.
(2) Ibid.

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